Une alternative en faveur de la participation des habitants

La boulang’ : Résidence d’architectes

On ne compte plus aujourd’hui, quel que soit le domaine, les initiatives spontanées où les frontières strictes dans la chaîne de production s’estompent. De l’agriculture à l’informatique, des démarches comme celle des Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne (AMAP), les Fab Lab (Fabrication laboratory), ou le concept du Logiciel Libre (1983) qui déboucha sur les premières licences libres, sont autant de mouvements qui proposent au plus grand nombres de regagner une forme d’indépendance vis-à-vis d’un environnement devenu très (trop) cloisonné. Face aux enjeux économiques, sociaux, et environnementaux auxquels nous allons devoir faire face dans les années à venir, la possibilité de produire un cadre habité durable, donc capable d’évoluer, de s’adapter, doit être un objectif à atteindre. La ville durable, doit donc inclure ces habitants dans un processus d’échange, de mise en commun des savoirs et des expériences pour gagner en résilience.

Dans le domaine de l’urbanisme et de l’architecture, les temps des projets s’inscrivent sur de longues durées. A telle points que pour un observateur extérieur, il peut sembler que la ville se fasse d’elle-même, soutenue par des acteurs sur lesquels il est difficile d’influencer. Appliquer a ces domaine de compétence ce sont les démarches participatives qui tante de retisser un dialogue, entre les différents différent acteurs de la ville : habitants, élus, techniciens et concepteurs. Ces démarches ne sont pas nouvelle, c’est dans les années 70 qu’elles apparurent. Ils s’agissaient alors, des mouvements de contestation faces des projets de ville dans les quelle les habitants ne ce retrouvaient pas. Si dans ces premières démarche les habitants étaient porteurs d’une volonté de changement et des échanges qui en résulte ; aujourd’hui ce sont les instances politiques qui sont les principaux demandeurs de ces initiatives. On assiste donc a un retournement de situation.

Initialement ces démarches s’inscrivaient dans des contextes urbains de grandes agglomérations au fort développement. Ces dernière année ce types d’initiatives ce développent également dans les communes rurales en répons au phénomène de périurbanisation. Les villages s’étendent alors que leurs centre-bourgs s’éteignent. Comment ces démarches participatives s’inscrivent sur ces territoires ruraux et faces à des populations qui ne l’ont pas demandées ?
Pour approcher au plus prête l’ensemble des réponses soulever par ces questions la réflexion s’appuieras sur l’observation d’un démarche originale : La Boulang’ à Pérignat-sur-Allier.
Pérignat-sur-Allier, village à proximité de l’agglomération Clermontoise, est confronter aux problématique de désertification de sont centre-bourgs tandis que sa périphérie n’a cessé de s’étaler ces trois dernières décennies. Depuis trois ans la municipalité a initié une démarche expérimentale et atypique, reposant sur les principes d’une résidence d’architectes et d’urbanistes au coeur du village. La
Introduction Boulang’ est un lieu supportes d’échange et de rencontre entre ces professionnel et les habitants.
Pour comprendre l’origine de cette démarche nous nous intéresserons au contexte territorial qui a vue l’émergence de cette initiative. Et nous replacerons ensuite quelle que repaire historiques concernant l’évolution des mouvements participatifs en France ; de leurs émergences en tant que moyen de contestation jusque à leur institutionnalisations.

Puis l’élaboration d’une chronologies de la Boulang’ permettra d’évoquer la genèse de ce processus, les différent temps de cette démarche. Cette observation permettra de mettre à jours les premiers résultats de ce processus.
L’ensemble de ces remarques permettra d’identifier les leviers et les limites rencontrer au coure de cette expérimentation. Ces élément d’analyse ne son évidement pertinent que dans le cadre de cette expérimentation, et ne peuvent en aucune cas être généraliser, du fait de l’importance du contexte, des acteurs intervenants, et de la variété des actions pouvant être entrepris dans ces situations.
La démarche a été approché au cour d’un stages de deux mois à la Boulabg’ lors de la seconde résidence, durant l’été 2012. L’étude c’est poursuivit toutes au long de l’année universitaire 2012-2013, en continuant à participer aux temps fort de la démarche en temps qu’observateur-acteur.
Ce travaille cherche à cerner les conditions qui ont conduit a l’élaboration de la démarche de la Boulang’ ainsi qu’a porter un regard objectif sur les actions qui y ont été menées. Dans une moindre mesure il sera traité des différentes orientations que pourrait prendre cette démarche. Ce n’est en aucun cas une réflexion devant être généraliser à l’ensemble des démarches participatives, mais bien l’occasion d’interroger le cheminement aboutissant a cette initiatives ainsi que les apports d’une telle démarche.

I / Contexte

La volonté de la communauté de communes de Mur-ès-Allier de travailler la question de l’habitat, et indirectement de l’accueil des nouvelles populations, n’est pas un hasard. Elle est à relier à de nombreux éléments de contexte qui favorisent un questionnement sur le devenir des centres bourgs, et à la manière d’associer durablement leurs habitants à ce questionnement. Différentes dynamiques sont combinées pour encourager une collectivité à poursuivre ces réflexions autour de problématiques récurrentes sur son territoire.
Contexte 9
Dans ce premier chapitre, nous verrons les différents facteurs qui encouragent la création de la Boulang’. Pour cela, nous poserons un regard sur le territoire et son contexte, puis sur le rôle des différents acteurs politiques à l’origine de la démarche. Enfin, nous retracerons un court historique de l’évolution des démarches participatives en architecture et en urbanisme.

A // Territoire : cartes, chiffres clefs et historique

La commune de Pérignat-sur-Allier est implantée en terrasses sur la rive droite de l’Allier. Elle compose, avec Chauriat, Dallet, Mezel, et St Bonnet-lès-Allier, la communauté de communes de Mur-ès-Allier laquelle est située aux portes de l’agglomération clermontoise, au sein du Grand Clermont. Ces villages ruraux ont en commun de s’être développés autour d’un centre-bourg d’origine médiévale.
Au sein de la communauté de communes de Mur-ès-Allier, Pérignat-sur-Allier occupe une place médiane de par son poids démographique. En dépit de sa taille, elle a une position privilégiée grâce à la présence du pont de la départementale D212 qui franchit l’Allier. Celui-ci constitue un axe structurant du territoire, reliant Billom (au sud de la Limagne) à Cournon-d’Auvergne. De ce fait, la commune constitue une porte d’entrée dans l’agglomération clermontoise.
Cette position, d’entrée au gisement d’emploi que représentent les zones d’activités et commerciales de Cournon-d’Auvergne, confère à la communauté de communes de Mur-ès-Allier et en particulier à Pérignat-sur-Allier une situation très prisée. C’est, en effet, un cadre de vie recherché par les néo-ruraux qui trouvent en ce lieu tous les caractères de la vie à la campagne, aux portes d’une grande ville. Si cette position est un avantage, elle voue ces communes à jouer un rôle de villes dortoirs. En effet, seulement 11% des actifs résidents sur la commune travaillent sur le territoire de Pérignat-sur-Allier.
Le centre bourg de Pérignat-sur-Allier se compose de maisons vigneronnes et de fermes imbriquées. Leur regroupement forme des îlots très compacts, maillés par des ruelles et des impasses plus ou moins accessibles.

Historique de la commune de Pérignat-sur-Allier

Pérignat-sur-Allier, comme toutes les communes de la communauté communes, a d’abord connu d’importantes pertes de population jusque dans les années 1940, avec l’exode rural. La tendance s’est inversée avec l’arrivée de populations néo-rurales, progressivement d’abord, et plus rapidement dans les années 2000. Après être descendue à 471 habitants en 1962, la population de Pérignat-sur-Allier est remontée à 1 408 habitants en 2009. Comme on pouvait l’attendre, l’augmentation du nombre d’habitants engendre également une importante hausse du nombre d’habitations, faisant passer le nombre de logements de 149 en 1968, à plus de 595 en 2009. Ces nouveaux logements sont principalement des pavillons implantés dans des lotissements, le long des principales voies automobiles traversant le centre bourg. Ainsi, pour accueillir les nouveaux habitants, le village s’étend au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Simultanément le nombre de personnes par foyer diminue, passant de 3,5 à 2,5. Malgré la diminution du nombre d’habitants par foyer et l’augmentation du nombre de logements, un paradoxe émerge : de plus en plus de logements sont vacants alors même que le nombre de logements continue d’augmenter. La quasi-totalité de ces logements vacants sont situés dans le centre bourg de Pérignat-sur-Allier. Toujours dans le même temps les commerces sont partis du centre bourg pour s’implanter eux aussi le long de la départementale qui traverse le village, ce qui contribue à la dévitalisation du centre bourg.

Situation actuelle

Avec le vieillissement de la population sur le territoire de Mur-ès-Allier, les communes doivent anticiper la mutation des lotissements les plus anciens. Le phénomène est accentué par l’homogénéité d’âge dans ces lotissements. En effet, près du quart des habitants de Pérignat-sur-Allier a entre 45 et 59 ans. On assistera donc à un vieillissement rapide de la population dans les années à venir. Il existe donc un risque de voir ces lotissements se vider comme le centre bourg avant eux.
Le territoire de l’étude soulève un nombre important de problématiques de natures diverses, et autant de défis à relever dans les années à venir.

Composition historique du bâti, Agence Intérieur Rue Architecte
Efficacité foncière, Agence Intérieur Rue Architecte

B//Acteurs et développement local

Les lois de décentralisation de ces vingt dernières années ont donné davantage de responsabilités aux collectivités locales et territoriales pour mener les projets d’aménagement de leur territoire, au plus près de leurs réalités. Le rôle des collectivités locales a permis l’émergence de nouvelles dynamiques territoriales, favorisant la mise en place de stratégies, de projets intercommunaux, et métropolitains.

Le Grand Clermont et son SCoT

Le Grand Clermont est un syndicat mixte, qui s’étend sur un territoire fédérant 108 communes, réparties en une communauté d’agglomération (Clermont Communauté) et 9 communautés de communes dont celle de Mur-ès-Allier.
C’est un ensemble hétérogène de communes rurales et périurbaines regroupées autour de l’agglomération de Clermont-Ferrand, qui représente 414 000 habitants. Son territoire s’étend sur 1 331 Km² qui sont en grande partie non urbanisés. Les Parcs Naturels Régionaux (PNR) des Volcans d’Auvergne et celui du Livradois-Forez représentent près de 50% de son territoire.

Le Schémas de Cohérence Territoritorial.

Cette formation territoriale a pour objectif de définir et d’accompagner de façon cohérente le développement des communes qui en font partie. Le projet de territoire du Grand Clermont est exprimé par le ScoT (Schéma de Cohérence Territorial) adopté en 2010. N’ayant pas été validé par le préfet à cette époque, il est alors enrichi, et est à nouveau adopté en 2011. Le SCoT du Grand Clermont est applicable depuis 2012 après consultation, enquête publique et signature du préfet.
Pour pouvoir jouer un rôle moteur dans le développement de son territoire, en se démarquant des autres métropoles, le Grand Clermont s’est donné comme objectifs d’atteindre le seuil démographique de 500 000 habitants. Mais compte tenu du vieillissement de sa population, de la sous représentation des 25-40 ans1 et avec un taux de fécondité en dessous de la moyenne nationale2, cet objectif est un véritable défi. Pour atteindre ce but, le Grand Clermont compte beaucoup sur sa capacité à protéger la qualité de son cadre de vie et espère en faire un atout suffisamment attractif pour accueillir de nouvelles populations. Le SCoT propose une organisation en archipel où l’agglomération clermontoise occupe le centre du dispositif qui est entouré par de nombreuse communes de tailles très variées. Parmi elles, 7 communes joueront le rôle de pôle de vie. Elles disposent d’une taille et d’un niveau d’équipement suffisant pour rayonner sur les communes périurbaines.
L’arrivée d’un nombre aussi important de personnes ne peut se faire qu’avec une politique d’habitat volontaire. Conscient des risques que peuvent représenter une urbanisation incontrôlée pour ces espaces naturels, sa diversité sociale, et son cadre de vie, les élus du Grand Clermont ont souhaité mettre en place une démarche particulière.
Cite web du Grand Clermont.


Le programme Zones Pilotes Habitat.

Ce programme qui débuta en 2002, est une démarche expérimentale pour produire du logement de qualité, diversifié et adapté à leur situation urbaine. La particularité de la démarche repose sur l’identification en amont des déficiences d’habitat sur le territoire. Les 8 sites concernés par la ZPH ont été retenus pour leurs problématiques récurrentes sur le territoire. L’objectif de la démarche est d’expérimenter de nouvelles pratiques, de façon à enrichir la boite à outils du Grand Clermont, et ainsi servir d’exemple reproductible sur d’autres communes.
La ZPH a retenu, entre autre, la communauté de communes de Mur-ès-Allier qui proposait l’îlot du Torail-Gazou dans le centre bourg de Pérignat-sur-Allier.

«A Pérignat-ès-Allier, l’îlot du Torail-Gazou pose différents enjeux permettant de concilier un habitat de qualité dans une typologie de bourg ancien. Se pose la question des mutations patrimoniales et du recyclage urbain : doit-on créer de la nouveauté ou prendre en compte le patrimoine existant même s’il ne comporte pas de caractère protégé ? La conservation du bâti existant conduit également à un renchérissement du coût de la réhabilitation du fait des nouvelles règles à respecter en termes de normes thermiques. En outre, différentes questions se posent en termes de typologies et de composition du bâti.»

Dans ce cadre, bien que l’étude concerne le village de Pérignat-sur-Allier, c’est la communauté de communes de Mur-ès-Allier qui pilote la démarche en étant l’interlocuteur du Grand Clermont.

La Communauté de Communes de Mur-ès-Allier et ses compétences.

En décembre 1999, le rassemblement des municipalités de Chauriat, Dallet, Mezel, Pérignat-es-Allier et St-Bonnet-les-Allier ont donné vie à la communauté de communes de Mur-ès-Allier. Ce rapprochement doit permettre de rassembler des moyens financiers et humains autorisant la mise en place et la réalisation de projets dépassants les limites communales.
Pour cela, la communauté de communes a formé des commissions thématiques en fonction des compétences qu’elle exerce :
Commission habitat et voirie : elle définit les interventions de la communauté de communes sur les espaces publics, l’habitat et la voirie. Elle a notamment suivi la mise en place du nuancier intercommunal, suite à une étude de colorisation. Les couleurs, basées sur les teintes du paysage, du climat et des matériaux employés, proposent un ensemble de teintes qui devra créer une harmonie censée renforcer le caractère du village. Ce document peut être annexé aux documents d’urbanisme des communes. Il doit permettre d’aider à l’instruction des permis de construire en informant et en sensibilisant les habitants.
– Commission aménagement et environnement : en plus de la protection du Puy de Mur, classé en tant qu’Espace Naturel Sensible4, et du balisage des sentiers de randonnées, cette commission est en charge de la réalisation et de l’animation de la charte architecturale et paysagère. Ce dernier travail a été mené, entre 2005 et 2007, avec la communauté de communes de la Vallée du Jauron, située au nord de la communauté de communes de Mur-ès-Allier. Le diagnostic de cette étude relève 7 points de réflexions/constats:
– Le territoire dispose de paysages remarquables, menacés par l’étalement urbain.
– On trouve sur l’ensemble des communes un patrimoine bâti relativement bien conservé, présentant parfois des configurations atypiques et remarquables.
– Les extensions de bourgs menacent leurs identités, du fait de leur impact sur leurs silhouettes historiques.
– Les communautés de communes sont des territoires où l’agriculture est très présente, mais l’urbanisation pavillonnaire rentre en conflit d’usage direct avec ces pratiques agricoles.
– L ’Allier (la rivière) en lui-même représente un atout paysager de plus en plus pris en compte.
– La diversité des milieux naturels en présence est remarquable par sa diversité, allant des rives du val d’Allier, jusqu’aux coteaux du Puy de Mur et dispose de trame paysagère très forte.
– Les coteaux sont de plus en plus laissés en friche, à terme ils pourraient devenir des forêts.
L’ensemble de ces réflexions a accompagné la communauté de communes de Mur-ès-Allier, dans son implication dans la démarche ZPH. Il est intéressant de noter qu’à son échelle chacun des villages de la communauté de communes est sujet à l’étalement urbain. Or, ce phénomène concerne trois des sept points de la charte architecturale et paysagère, et concerne directement ou indirectement l’ensemble de la réflexion menée par le Grand Clermont sur l’habitat.

La commune de Pérignat-sur-Allier.

Le principal outil de planification à la disposition d’une commune est aujourd’hui son PLU (Plan Local d’Urbanisme). Pérignat-sur-Allier s’est dotée de son PLU en 2005, remplaçant son POS (Plan d’Occupation des Sol) datant de 1983.
Un an avant les débuts de la démarche ZPH lancée par le Grand Clermont en 2002, la municipalité de Pérignat-sur-Allier a débuté une campagne de rachat immobilier, notamment dans le centre bourg, afin de pouvoir influencer activement l’évolution la ville. Cette campagne est réalisée avec la participation de l’EPF-SMAF (Établissement Public Foncier – Syndicat Mixte d’Action Foncière).
C’est principalement grâce à l’importante proportion de maisons vigneronnes, propriétés communales sur l’îlot du Torail-Gazou ou en cours d’achat, que la candidature de la commune de Pérignat-sur-Allier est retenue pour participer à la démarche ZPH.
À ce stade les objectifs de la municipalité sont de :
– Préserver la cadre de vie.
– Revitaliser le centre bourg par la réhabilitation du patrimoine bâti, le maintien des commerces et services.
– Lutter contre le mitage.
– Diversifier l’offre d’habitat et l’offre locative.

« La démarche ZPH nous paraissait entrer pleinement dans le projet de pays du Grand Clermont. Notre intercommunalité, située à l’est de Clermont-Ferrand, connait une très forte pression en termes de demande de logements. Dans ces conditions, il nous paraissait opportun de contribuer à la recherche de réponses plus en lien avec une utilisation du sol et des espaces en cohérence avec nos ambitions politiques notamment en matière d’efficacité foncière. »

Dans un premier temps, l’étude a fait le choix de ne pas conserver une partie du bâti pour réaliser une réhabilitation partielle. Le scénario s’est entièrement porté sur une solution de démolition-reconstruction de l’îlot Torail-Gazou. Il apparaissait qu’une réhabilitation, même partielle, engendrerait un surcoût important.
Bien que la concertation des habitants de la commune fasse partie des outils de la démarche ZPH, elle n’est pas une obligation. Dans certaines communes une concertation est organisée très tôt dans le processus de projet, d’autres, plus modérées quant au bien fondé de cette approche, craignent qu’une initiative de ce type ne vienne bloquer la situation et finalement faire avorter le projet. La municipalité de Pérignat-sur-Allier a choisi de ne pas faire de concertation avant projet. Mais au cours des visites de l’îlot concerné par la ZPH, certains élus et techniciens sont approchés par des riverains qui désirent des informations sur la démarche. C’est pour répondre à leur demande que le comité de pilotage s’est ouvert à quelques habitants. Alors, une réunion publique est organisée pour présenter les premiers résultats de l’étude, et les documents produits sont consultables en mairie. Si cette première expérience de la concertation n’a pas suscité de mouvement d’opposition, elle n’a pas non plus remporté de succès flagrant, et laisse le projet dans une relative indifférence. Même si la municipalité reconnaît une certaine pertinence à la proposition de démolition-reconstruction, et que dans un premier temps elle se range à son pragmatisme, elle finira par renoncer à réaliser cette opération. Le conseil municipal a considéré que la destruction du bâti caractéristique existant serait une perte trop importante pour l’identité du centre bourg.

Évolution vers une démarche participative.

Commence alors pour la municipalité une série de rencontres et de réflexions sur le thème de la réhabilitation des biens communaux du centre bourg. Elle finit par opter pour une démarche originale. Souhaitant privilégier la réhabilitation de ces maisons, sans jouer le rôle de maître d’ouvrage, la municipalité pense pouvoir inciter de futurs acquéreurs à prendre en charge le coût des travaux en leur garantissant un accompagnement adapté. La municipalité décide alors de munir la commune d’un local, indépendant de la mairie, capable d’accueillir en résidence des équipes de professionnels pour travailler sur ces questions de réhabilitation. Ce local, et les équipes qui l’occuperont, devront permettre d’aborder plus largement la question de « l’habiter ». Un questionnement, volontairement très ouvert, qui porte sur l’ensemble de la commune, peut et doit intégrer la participation des habitants aux démarches entreprises. La question est alors posée : comment encourager la population de Pérignat-sur-Allier à prendre part aux réflexions menées sur son cadre de vie ?
À ce stade du développement, il semble indispensable d’opérer un retour sur les origines de ce type de démarche.

C//Démarches participatives

Face aux enjeux économiques, sociaux, et environnementaux auxquels nous devrons faire face dans les années à venir, la possibilité de produire un cadre habité durable, capable d’évoluer, de s’adapter, doit être un objectif à atteindre. La ville durable doit donc inclure ses habitants dans un processus d’échange et de mise en commun des savoirs et des expériences pour gagner en résilience.
Ce type de démarche a déjà eu lieu dans d’autres contextes.

Contestation 1960-70

L’implication directe des citoyens dans la gestion de leur ville ne fait pas partie de la culture Française. Il faut attendre la fin de la seconde guerre mondiale, la reconstruction à marche forcée qui suivit, et surtout le développement des grands ensembles isolés et mal équipés, pour que cette démarche participative voit le jour. C’est probablement un sentiment d’abandon face au délaissement de ces territoires, dans un pays en plein développement, qui a favorisé l’émergence de ces questionnements. Au début des années 60, les premières initiatives s’organisent sur le thème du cadre de vie. Ces mobilisations donnent lieu à la création de Groupes d’Action Municipaux (GAM) dans les villes de banlieue. Ces groupes sont constitués de militants qui comptaient peser sur les choix des municipalités. Ces groupement sont aidés par l’association pour la démocratie locale et sociale (ADELS). L’apogée de l’action des GAM sur le paysage politique est l’élection de H. Dubedout à Grenoble en 1965.
À la suite des épisodes de 1968 en France, les revendications des luttes urbaines se redéfinissent sur des bases plus radicales. Au cours des années 70, les mobilisations sont plus conflictuelles avec les pouvoirs publics centraux et/ou locaux, et portent sur les rénovations urbaines, la crise du logement et des transports, la dégradation du cadre de vie. La multiplication de ces luttes urbaines et leur ampleur s’accompagnent d’un courant de recherche en sciences sociales dans ce domaine. Malgré leur importance, ces mouvements n’aboutissent à aucune transformation de la situation socio-urbaine. Simultanément, les démarches plus coopératives des GAM produisent des effets en mettant en place, avec les municipalités, des « commissions extra-municipales ». Là, les habitants pouvaient confronter leur point de vue avec celui des élus locaux, des experts et des chercheurs, sur les questions d’aménagement local. On assiste alors à une étape d’apprentissage du travail en commun entre des acteurs appartenant à des cultures socioprofessionnelles très variées.

La mobilisation de l’Alma-gare.

Parmi ces mobilisations, celle de l’Alma-gare à Roubaix est probablement la plus aboutie en ce qui concerne l’évolution de la mobilisation. En 1967, le quartier se mobilise contre un projet de rénovation urbaine porté par la ville. Il faut attendre 1973 pour que la mobilisation se structure et se dote des services de professionnels (architectes, sociologue…) formant un Atelier Populaire d’Urbanisme (APU). La structure est ouverte aux habitants et militants pour débattre de l’avenir de L’Alma-gare, et ainsi, définir un projet alternatif prenant en compte les particularités des « courées » propres au quartier. C’est seulement en 1978 que le maire de Roubaix retient le principe d’un schéma directeur d’aménagement du quartier rédigé en collaboration avec les habitants et leurs propres experts.
La démarche de L’Alma-gare est souvent prise en référence par les militants, les élus locaux, et les habitants désireux d’amorcer une démarche comparable dans le domaine de la ville.

Expérimentation – 1980

L’ensemble de ces initiatives crée un environnement très favorable à l’idée du participatif dans le domaine de la réhabilitation des quartiers défavorisés et dégradés. L’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 voit la création de la « commission pour le développement social des quartiers », avec comme prérogative l’expérimentation à grande échelle de démarches innovantes dans les quartiers difficiles. À ce moment, le terme de « développement social » apparait pour qualifier l’idée de collaboration active des habitants pour traiter les questions qui les concernent. Le premier président de la commission est Hubert Dubedout dont l’expérience au coeur des Groupes d’Action Municipaux assure la recherche d’une nouvelle gouvernance urbaine incluant les usagers. Dans un rapport extérieur à la constitution de la « commission pour le développement social des quartiers », H. Dubedout souligne l’importance des dynamiques associatives formelles ou non, dans la mobilisation de l’Alma-gare. Après une période d’euphorie, la société civile a été de moins en moins présente dans l’élaboration des projets et des programmes. Notamment lorsqu’il a fallu étendre cette politique aux quartiers difficiles à la fin des années 1980, dans le processus de ce qui allait devenir « la politique de la ville ». C’est en particulier le milieu associatif, formel ou non, qui n’a pas été reconnu comme partenaire fiable face au pouvoir des institutions.

Institutionnalisation / Régularisation / Officialisation
de la démarche – 1990

Les pouvoirs publics commencèrent à reprendre le contrôle des mouvements de contestation autour du thème du cadre de vie, en répondant à la demande d’une plus grande part de démocratie dans la prise de décision, à la fin des années 1980. Pour cela, l’état a promu et organisé une ingénierie de la participation des usagers. Au cours des années qui suivirent, l’institutionnalisation de ce type de démarche est allée jusqu’à la création de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP). Le recours à cette instance est obligatoire pour tout projet dans le secteur de l’aménagement du territoire, ou dépassant un certain montant. Cette commission est chargée d’organiser le débat afin de construire un rapport sur la nature des discussions et des enjeux. Rapport qui sera ensuite remis au maître d’ouvrage. Ce dernier reste le seul décisionnaire, mais doit expliquer son orientation en fonction du contenu des débats.
Le CNDP doit garantir l’argumentation, l’équité des temps de parole, et la transparence dans l’organisation des discutions entre les différents acteurs. Si cela représente une amélioration notable dans qualité des échanges, il reste un certain nombre de limites à la dimension participative dans l’esprit du CNDP. À de rares cas , c’est la maîtrise d’ouvrage qui décide de soumettre, ou non, un projet au débat. L’aspect technique des délibérations restant très important, les décisionnaires disposent généralement de moyens supérieurs sur ces thèmes par rapport à ceux des représentants de la société civile.

La composition d’une commission reste encore relativement partiale. Si le choix des spécialistes reste assez objectif, les représentants de la société civile sont généralement sélectionnés parmi les associations les plus reconnues. Il peut y avoir alors l’effet pervers de reconstituer une catégorie de « spécialistes de la participation » pouvant finir par être assimilés aux institutions. De ce fait, le citoyen ordinaire est exclut du débat. Même avec ces limites, ce dispositif introduit officiellement le processus de participation des populations au lancement des projets majeurs concernant l’aménagement et l’environnement. Ceci permet de mettre à l’épreuve les exigences techniques face aux attentes des usagers, et offre par ailleurs la possibilité d’affiner le travail en commun entre des acteurs représentants des cultures et des intérêts différents. Il est à noter que la commission nationale pour le débat public est instituée comme une autorité indépendante des pouvoirs publics en 2002.

Une autre conséquence de l’institutionnalisation de la participation des usagers est l’émergence d’une nouvelle ingénierie de la participation. En effet, il est généralement admit que pour crédibiliser une démarche participative il est indispensable de réduire l’écart entre, d’un coté les institutions et leurs spécialistes détenteurs du savoir technique et disposant du pouvoir de décision, et de l’autre, les représentants de la société civile généralement peu équipés sur ces thèmes. Deux approches se distinguent.
La première approche s’appuie sur l’apparition de « spécialistes de la participation ». Ceux-ci sont d’anciens militants des luttes urbaines, ou nouvelles entreprises de communication qui se donnent comme objectif d’initier le grand public aux savoirs indispensables à la compréhension des problématiques en présence. Ces intermédiaires organisent les débats entre experts et profanes. Le principal risque de cette approche est de pérenniser une catégorie d’acteurs sociaux qui constituerait un nouvel intermédiaire entre les citoyens et les décideurs.
La seconde approche part du postulat que chaque acteur doit demeurer dans son rôle : les spécialistes informent les citoyens sur les contraintes (techniques, économiques…) tandis que les citoyens les informent sur les contraintes du projet. S’il existe aussi des médiateurs pour l’organisation des débats, ils n’ont pas de rôle pédagogique. Cette approche produit un apprentissage collectif, chaque acteur contribuant peu à peu à la formation des autres sur le plan de la technique et de l’usage qui en est fait.

Des avis critiques sur ce phénomène

L’implication des citoyens dans une démarche participative, dans quelque domaine que ce soit, est l’objet de différentes critiques portant autant sur le fond que sur la forme.
Les plus septiques avancent que l’introduction d’une forme de démocratie directe en parallèle de la démocratie représentative française conduirait à une démocratie d’opinion, démagogique, populiste et court-termiste, où seuls les mouvements sociaux sont à même de transformer profondément la conception de la citoyenneté.
Des critiques proviennent aussi de groupes souhaitant promouvoir les initiatives participatives en France. On souligne généralement l’aspect local de ces démarches, leur possible instrumentalisation pour éviter la contestation, ou simplement l’ambiguïté du concept de « participatif ». On rapporte aussi fréquemment la double asymétrie qui règne dans ce type de démarche entre les institutions et la société civile, mais aussi entre les classes moyennes éclairées et les couches les plus défavorisées. Ces critiques ont été rapportées par les sociologues au cours de ces quarante dernières années. Une critique récurrente ces dernières années (où les initiatives participatives sont davantage voulues par les pouvoirs publics), est que la difficulté de mobiliser les citoyens autour d’enjeux qui les concernent pourrait s’expliquer en partie par le fait que « la communauté d’intérêt ne suffit pas à provoquer l’action commune permettant de promouvoir l’intérêt de tous » . À cela s’ajoute le fait que la participation au processus ne garantit pas d’influence significative sur les décisions finales.